Le rapport entre le droit et l’entrepreneur de ceux qui l’accompagnent dans son projet est trop souvent miné par des fausses informations qui produisent aussi bien du rejet, que des conseils imparfaits et des enseignements incomplets conduisant au découragement. Le système juridique apparaît généralement comme source d’ambiguïtés, alors que sa caractéristique essentielle est l’ambivalence. Analyse avec ISHIMWE Jean Acutis, contributeur dans notre Campagne Kazoza Kacu

Les politiques publiques jouent un rôle déterminant dans le développement de l’activité entrepreneuriale. Le droit est ici regardé comme un élément d’expression et de mise en œuvre de ces politiques publiques. Il participe à la régulation de l’économie. Ici, vient le concept du cadre juridique comme terrain où se déroule l’interaction entre l’entrepreneur et le droit. Aborder le droit dans un domaine entrepreneurial devrait s’imposer comme une évidence, non seulement pour le praticien concerné, mais surtout chez les porteurs de projet, c’est-à-dire les futurs entrepreneurs qui deviennent d’ailleurs comme des acteurs juridiques. Par ailleurs, on dira que la démarche est dorénavant centrée à la fois sur la « mesure de la qualité et de l’efficience du cadre réglementaire » et non plus simplement sur l’évaluation des coûts relatifs à l’application du droit. (Banque Mondiale, Doing Business 2016 : Mesure de la qualité et de l’efficience du cadre réglementaire. Washington,2016).

Le droit vu comme un ensemble de contraintes

Pour la plupart des entrepreneurs, certaines normes apparaissent comme de la contrainte. Ainsi, il ne suffit pas seulement de connaitre les normes mais de les appliquer. L’entrepreneur agit sur l’application des normes ; il agit aussi dans la production des normes au travers du lobbying, des instances judiciaires qu’il déclenche, des relations contractuelles qu’il noue. En fait, le processus est tellement exigeant qu’il est impossible d’y échapper, c’est gênant même car cela est lié aussi à une lenteur administrative. Pensons par exemple au Burundi, où les contraintes juridiques pour fonder une entreprise et pour la certification des produits dans la BBN occasionnent des pertes pour l’entrepreneur. L’une des raisons, est que la BBN n’a pas son laboratoire propre équipé à 100% pour faire lui-même ses analyses, déplore Emery NUKURI, Docteur en Droit (Agence Burundi de Presse du 20 Mai 2021). C’est un processus qui demande plus de patience, ce qui va même avorter toute prochaine initiative entrepreneuriale.  Certes, nous comptons peu d’entreprises créés dans les secteurs agricoles. En effet, selon les statistiques officielles 2289 entreprises ont été créés à l’API en 2018, soit une évolution de 5,4% par rapport à l’année 2016. Les secteurs d’agriculture et d’élevage qui normalement font vivre plus de 90% de la population burundaise, n’attirent pas beaucoup d’entrepreneurs car les seuls 4% sont créés en ce domaine. (Agence Burundi de Presse du 20 Mai 2021). De toutes les façons, ces contraintes juridiques ne sont pas exclues parmi les raisons qui font que les secteurs agricoles n’attirent pas les entrepreneurs.

Le droit vu comme vecteur d’opportunité pour entreprendre

Une bonne réglementation pourrait permettre aux entrepreneurs d’entrer sur des marchés existants ou d’en créer de nouveaux. C’est dans cette perspective qu’on pourrait dire que le droit fournit de nombreuses opportunités, dans la mesure où il permet d’entreprendre, d’innover. Par ailleurs, la connaissance du droit permettra aux entrepreneurs de connaitre les frontières licites/illicites à ne pas dépasser. Néanmoins, ce rapport au droit se borne en quelque sorte à une connaissance des limites de l’aire du jeu. Bien que l’entrepreneur ne soit pas juriste, suite à l’expérience, le droit devient comme un ensemble d’outils à actionner, voire à manœuvrer en sa guise. C’est pourquoi il est beaucoup rappelé aux entrepreneurs de bien maitriser les dimensions juridiques de leur projet. Ce qui leur permet d’ailleurs de ne pas tomber dans la délinquance entrepreneuriale.

Par ailleurs, cette connaissance exigée n’est pas de faire de l’entrepreneur un “revêche“ au droit ni un rebelle du droit, mais de lui faire saisir que la complexité du système juridique ne peut être regardée simplement comme de la complication (inutile), qu’ignorer cette complexité constitue une simplification abusive de la réalité. Cette connaissance a donc pour finalité d’intégrer le droit dans les rapports avec ses parties prenantes car l’entrepreneur en profite aussi pour connaitre ses droits et ses devoirs en matière de contrat et de fiscalité. Le droit n’est pas donc une fatalité. Ainsi, tout acteur possède une marge de manœuvre quant à l’applicabilité de la norme, dans les choix de la norme la plus pertinente ou dans la transgression ou la surveillance de l’application.

En sommes, notre objectif était de faire dialoguer ces deux disciplines qui se connaissent peu ou mal, alors qu’elles se rencontrent souvent. Mais en réalité, il n’existe pas un rapport d’ambiguïté entre les deux disciplines. Le droit n’est ni un ensemble de contraintes, ni un vecteur d’opportunité. La norme juridique en elle-même est ambivalente. Ce qui est opportunité pour les uns est souvent une contrainte pour les autres. C’est pourquoi, il est toujours conseillé aux entrepreneurs de ne pas considérer le domaine juridique comme extérieur à leur projet mais fait partie du contexte entrepreneurial.

A-propos de l’Institute for Economics and Enterprises

Le mandat de l’Institute for Economics and Enterprises consiste à produire, par un apprentissage ciblé, “une société basée sur les principes du libre marché, de la propriété privée et d’état de droit”. Il est d’œuvrer pour une société plus libre et plus prospère en partenariat avec les étudiants, les journalistes et les autres décideurs 

Partager ce contenu: